Après une bonne nuit, on file sur Mopti avec le scooter prêté par Gabriel. Notre but est de trouver une pinasse allant sur Tombouctou mais aussi de nous renseigner sur la sécurité de la zone car nous avons su qu'un français avait été enlevé par al-Quaida il y a 4 jours. Roule ma poule sur le scooter de la mort qui tombe en panne sèche 50 m après le départ. Heureusement, au Mali les vendeurs d'essence au litre sont partout, on se dépanne vite fait.
Une fois sur le port de la ville, on est illico cornaqués par un rabatteur à pinassier. Avant tout, on va en quête d'infos auprès de touristes que l'on trouve bien entendu dans un bar. Ce sont des motards savoyards revenant justement de Tombouctou. Leurs infos sont fraîches et fiables: le français a été enlevé vers Gao, lieu habituel de troubles armés entre Touaregs jihadistes et soldats gouvernementaux. Ainsi informés et rassurés, on peut donc aller à Tombouctou sans souci, quant à Gao, initialement prévu au programme, on fait une croix dessus.
Notre rabatteur nous escorte chez son compère pinassier, et nous entamons les discussions. D'abord nous parlons de la vitesses du bateau, de son "confort", de l'attention spéciale portée à nous autres voyageurs étrangers etc etc. Après ces échanges introductifs, arrive le cœur de l'affaire: le prix. Comme d'habitude, c'est un prix astronomique qui nous est annoncé. Et nous on introduit le marchandage en dessous du minimum syndical. Roulements d'yeux, grimaces, crachats, dénégations de la tête, faux départs du vendeur.... Nous restons stoïques, sachant bien que tout cela fait partie du rituel.
Le prix de l'essence, celui du riz, le confort du matelas (1cm d'épais....) , les soins spéciaux qu'il nous portera: "je te jure, je me s'en sors pas, et si je te fais un prix, je suis ruiné".
Certes, mais si tu ne fais pas ce prix, nous on ira ailleurs....
Et c'est reparti.... "Je suis le meilleur pinassier de tout Mopti, tout le monde le sait. Tu ne trouvera nulle part ailleurs le prix que tu dis, ou alors en cale couché sur le fret, sans compter la natte que tu partagera avec 5 ou 6 personnes...."
C'est ça mon gars, et si tu manques d'essence on rame....
On fait un geste parce que les temps sont durs, ce sera notre dernier prix: 45 000 CFA ; voyage, nourriture et couchage compris.
Il fait mine de tout lâcher, nous on se lève en disant que tant pis, l'affaire ne se fera pas.
Son compère intervient en bambara, le pinassier hoche la tête, dis qu'il cède, car il est notre ami (on le connaît depuis 1h) et qu'il le lui demande et qu'il ne peut pas refuser à un ami. Affaire conclue.
On tope. Signature du ticket d'embarquement. Il demande l'avance de la totalité de la somme.
Je refuse et dit que je paie à l'embarquement.
Et vlan, c'est reparti pour une discussion sans fin, où il est question de son honorabilité, qu'il est pinassier de père en fils, que nous avons un ticket dans la main et que lui n'a rien en échange, qu'il doit faire les provisions, payer le gasoil, et tout ça avant le départ.
On chipote, on avance l'un et l'autre, et on tope à 50% d'avance, le solde à l'embarquement.
Bien. Et maintenant l'eau. Car pour nos estomacs, il nous faut de l'eau minérale. Nous sommes bien d'accords, nous ne buvons pas l'eau du Niger (déjà qu'elle sert à cuire la bouffe, on ne va pas en rajouter).
Il demande 6000 CFA pour 12 bouteilles, ce qui est le prix. Là je craque, je vais pas renégocier une plombe pour définir le montant de l'avance. Je paie l'eau cash. Dans ces conditions il nous mettra le carton d'eau sur notre matelas pour réserver notre place.
Que ne faut il pas faire pour acheter un ticket de transport ! et encore, cette fois on n'a pas eu les séances de 3 thés d'affilée rallongeant de 2 plombes les palabres.
Les choses étant conclues, on a rendez-vous dans 2 jours, à 10h pétantes sur la pinasse.
On finit la journée en flânant sur le port, gros centre de commerce sur le Niger.
Ensuite nous nous dirigeons vers la vieille ville: sa mosquée splendide, hélas entourée de hauts murs, ses ruelles défoncées avec égouts à ciel ouvert et curage à la pelle, ses boutiques aux affiches hyper réalistes, ses campements Bozos le long du fleuve.
On se rentre à 35km/h, poignée dans le coin !
De retour, à peine assis, un trio d'enfants prêcheurs vient louer Allah et son prophète à la porte d'entrée. Ce sont des élèves d'écoles coraniques. Ils doivent mendier leur nourriture ainsi. Fi de l'anticléricalisme, on leur file 100 CFA, fin de la sérénade.
Dans la maison de Gabriel, parti pour un nouveau trek avec des touristes, c'est un défilé permanent. Les copains vont et viennent, c'est la grande communauté. Ou cela devient problématique, c'est lorsque la décision de faire les courses est à prendre. Chacun propose et affirme s'en occuper, personne ne bouge.
Quatre heures à rouiller, avant qu'enfin on voit arriver une bassine de frites, un quart de poulet. Pour 5 ça fait un peu court.
Au petit dej, on ne se fera pas avoir, on prendra directement les choses en main. Sylvie fait l'aller-retour chez l'épicier et ravitaille en pain, café et confiture (moi j'ai mon thé). Dans ces conditions, l'affaire est réglée en 10mn, mais il faut encore attendre 1h pour faire bouillir l'eau au charbon de bois.....
Journée à flâner dans Sevare, qui est, sans exagérer, le trouduc du Mali. En soirée, retour à la maison et même décision que ce matin: on prend en charge le ravitaillement. Pour cela, on va chez les mamas installées en bord de route, et on se fait servir une bonne platée de frites-bananes-poulet et œufs frits panés. On est 6 à table: Ali qui habite chez Gabriel (à moins que ce ne soit l'inverse), Astrid (une batave venue pour 5 jours seulement depuis Amsterdam, qui passe jours et nuits au lit avec son Dogon chéri), et nous deux.
Ali est de fort mauvaise humeur: ce matin, il a paumé son téléphone et donc ses 200 contacts professionnels, et ce soir il apprend que son frère, à qui il avait confié 2 touristes, s'est fait la malle en plantant ses clients à 60 km de Mopti. Bien sûr, ceux-ci ont pu trouver un taxi brousse pour rentrer, mais à leurs frais. Ali est furieux: pour lui (comme pour tous les maliens qu'on a rencontré), un contrat est un contrat. Les deux toubabs ont payé en agence un circuit Mopti-pays Dogon-Mopti, quoiqu'il arrive ils doivent être ramenés au point de départ sans supplément d'aucune sorte. Question de principe, d'honorabilité et de réputation. Si les clients font état de ça à l'agence, plus de contrat. Le frangin arnaqueur a coupé son téléphone (mais il ne perd rien pour attendre) et le chauffeur du taxi est injoignable. Après avoir fulminé durant 2 heures, Ali règle l'affaire: il va attendre le taxi au terminus et rembourser les clients floués.
Après le repas, on voit surgir une quinzaine de guides venant taper la discute dans la cour. Ambiance folklo. Il y a Mamadou, Dogon de 1m50 , que tout le monde chambre en le nommant le Dernier des Tellems; il lui est dit également que lorsqu'il accompagne des touristes, vue sa taille, on le prend pour un sac à dos; et aussi qu'avec le boubou d'Ali on pourrait lui en tailler 2 plus un chèche, le tout juste à sa taille. Il y a un grand de quasi 2 m qui a 3 objectifs: aller en Harley Davidson sur la tombe de Michael Jackson, manger au restau de la Tour Eiffel, et faire du ski. Les autres se moquent de lui, lui disant qu'il n'a même pas de quoi mettre un demi litre d'essence dans son scooter, alors, aller a Paris.... Et tous de lui dire, que c'est un Dogon clandestin, son grand père ayant jadis fuit le Sénégal pour échapper à la guerre de 40. Le grand brame que c'est un complot contre son envie de bonheur. On est tous morts de rire, et les quolibets fusent encore et encore. C'est la "taquinerie" de rigueur entre guides Dogons. Il faut voir et entendre ça au moins une fois, c'est assez folklo.
Gabriel est rentré, heureux de nous revoir avant le départ, et très ému du cadeau qu'on lui laisse.
Le lendemain matin, il règle magistralement le petit dej et le transport jusqu'au port. On est encore une fois chouchoutés comme des rois.
Les guides Dogons sont particulièrement soigneux de leurs clients.
En avançant sur la quai, parmi l'enchevêtrement de sacs et étals, les dockers s'affairent. Sylvie marche sur le talon de la tong d'un déchargeur tandis qu'il pousse un chariot chargé de 1,5 T de riz à l'aide d'un compère (habituellement ils sont 6 pour ça). Stoppé dans son élan, il regarde sa tong à la lanière arrachée et désormais inutilisable. Vue la coupe du pantalon, il n'a pas de quoi s'en racheter. On se confond en excuses, et lui tendons 1000 CFA en dédommagement. Avisant la somme, là il nous bénit: il peut acheter un sac de tongs ! Nous sommes donc dans un drôle de ballet, nous deux confondus en excuses, et lui en remerciements. Nous repartons en faisant attention où on pose les pieds.... et nous arrivons à la pinasse.
Une fois sur le port de la ville, on est illico cornaqués par un rabatteur à pinassier. Avant tout, on va en quête d'infos auprès de touristes que l'on trouve bien entendu dans un bar. Ce sont des motards savoyards revenant justement de Tombouctou. Leurs infos sont fraîches et fiables: le français a été enlevé vers Gao, lieu habituel de troubles armés entre Touaregs jihadistes et soldats gouvernementaux. Ainsi informés et rassurés, on peut donc aller à Tombouctou sans souci, quant à Gao, initialement prévu au programme, on fait une croix dessus.
Notre rabatteur nous escorte chez son compère pinassier, et nous entamons les discussions. D'abord nous parlons de la vitesses du bateau, de son "confort", de l'attention spéciale portée à nous autres voyageurs étrangers etc etc. Après ces échanges introductifs, arrive le cœur de l'affaire: le prix. Comme d'habitude, c'est un prix astronomique qui nous est annoncé. Et nous on introduit le marchandage en dessous du minimum syndical. Roulements d'yeux, grimaces, crachats, dénégations de la tête, faux départs du vendeur.... Nous restons stoïques, sachant bien que tout cela fait partie du rituel.
Le prix de l'essence, celui du riz, le confort du matelas (1cm d'épais....) , les soins spéciaux qu'il nous portera: "je te jure, je me s'en sors pas, et si je te fais un prix, je suis ruiné".
Certes, mais si tu ne fais pas ce prix, nous on ira ailleurs....
Et c'est reparti.... "Je suis le meilleur pinassier de tout Mopti, tout le monde le sait. Tu ne trouvera nulle part ailleurs le prix que tu dis, ou alors en cale couché sur le fret, sans compter la natte que tu partagera avec 5 ou 6 personnes...."
C'est ça mon gars, et si tu manques d'essence on rame....
On fait un geste parce que les temps sont durs, ce sera notre dernier prix: 45 000 CFA ; voyage, nourriture et couchage compris.
Il fait mine de tout lâcher, nous on se lève en disant que tant pis, l'affaire ne se fera pas.
Son compère intervient en bambara, le pinassier hoche la tête, dis qu'il cède, car il est notre ami (on le connaît depuis 1h) et qu'il le lui demande et qu'il ne peut pas refuser à un ami. Affaire conclue.
On tope. Signature du ticket d'embarquement. Il demande l'avance de la totalité de la somme.
Je refuse et dit que je paie à l'embarquement.
Et vlan, c'est reparti pour une discussion sans fin, où il est question de son honorabilité, qu'il est pinassier de père en fils, que nous avons un ticket dans la main et que lui n'a rien en échange, qu'il doit faire les provisions, payer le gasoil, et tout ça avant le départ.
On chipote, on avance l'un et l'autre, et on tope à 50% d'avance, le solde à l'embarquement.
Bien. Et maintenant l'eau. Car pour nos estomacs, il nous faut de l'eau minérale. Nous sommes bien d'accords, nous ne buvons pas l'eau du Niger (déjà qu'elle sert à cuire la bouffe, on ne va pas en rajouter).
Il demande 6000 CFA pour 12 bouteilles, ce qui est le prix. Là je craque, je vais pas renégocier une plombe pour définir le montant de l'avance. Je paie l'eau cash. Dans ces conditions il nous mettra le carton d'eau sur notre matelas pour réserver notre place.
Que ne faut il pas faire pour acheter un ticket de transport ! et encore, cette fois on n'a pas eu les séances de 3 thés d'affilée rallongeant de 2 plombes les palabres.
Les choses étant conclues, on a rendez-vous dans 2 jours, à 10h pétantes sur la pinasse.
On finit la journée en flânant sur le port, gros centre de commerce sur le Niger.
Ensuite nous nous dirigeons vers la vieille ville: sa mosquée splendide, hélas entourée de hauts murs, ses ruelles défoncées avec égouts à ciel ouvert et curage à la pelle, ses boutiques aux affiches hyper réalistes, ses campements Bozos le long du fleuve.
Une ville qui exhale une odeur acre, ses caniveaux, la poussière, la fumée des pots d'échappement, ne nous donnent pas envie de traîner.Morts de soif, on se ravitaille en au dans une échoppe. Putain de chiure, la bouteille a été ouverte et donc remplie d'eau ordinaire. Non seulement on s'est fait arnaquer, mais il faut attendre 30 mn de plus avant que le micropur fasse son effet. Quand nous pouvons enfin nous désaltérer, on a le gosier sec comme une falaise Dogon.
On se rentre à 35km/h, poignée dans le coin !
De retour, à peine assis, un trio d'enfants prêcheurs vient louer Allah et son prophète à la porte d'entrée. Ce sont des élèves d'écoles coraniques. Ils doivent mendier leur nourriture ainsi. Fi de l'anticléricalisme, on leur file 100 CFA, fin de la sérénade.
Dans la maison de Gabriel, parti pour un nouveau trek avec des touristes, c'est un défilé permanent. Les copains vont et viennent, c'est la grande communauté. Ou cela devient problématique, c'est lorsque la décision de faire les courses est à prendre. Chacun propose et affirme s'en occuper, personne ne bouge.
Quatre heures à rouiller, avant qu'enfin on voit arriver une bassine de frites, un quart de poulet. Pour 5 ça fait un peu court.
Au petit dej, on ne se fera pas avoir, on prendra directement les choses en main. Sylvie fait l'aller-retour chez l'épicier et ravitaille en pain, café et confiture (moi j'ai mon thé). Dans ces conditions, l'affaire est réglée en 10mn, mais il faut encore attendre 1h pour faire bouillir l'eau au charbon de bois.....
Journée à flâner dans Sevare, qui est, sans exagérer, le trouduc du Mali. En soirée, retour à la maison et même décision que ce matin: on prend en charge le ravitaillement. Pour cela, on va chez les mamas installées en bord de route, et on se fait servir une bonne platée de frites-bananes-poulet et œufs frits panés. On est 6 à table: Ali qui habite chez Gabriel (à moins que ce ne soit l'inverse), Astrid (une batave venue pour 5 jours seulement depuis Amsterdam, qui passe jours et nuits au lit avec son Dogon chéri), et nous deux.
Ali est de fort mauvaise humeur: ce matin, il a paumé son téléphone et donc ses 200 contacts professionnels, et ce soir il apprend que son frère, à qui il avait confié 2 touristes, s'est fait la malle en plantant ses clients à 60 km de Mopti. Bien sûr, ceux-ci ont pu trouver un taxi brousse pour rentrer, mais à leurs frais. Ali est furieux: pour lui (comme pour tous les maliens qu'on a rencontré), un contrat est un contrat. Les deux toubabs ont payé en agence un circuit Mopti-pays Dogon-Mopti, quoiqu'il arrive ils doivent être ramenés au point de départ sans supplément d'aucune sorte. Question de principe, d'honorabilité et de réputation. Si les clients font état de ça à l'agence, plus de contrat. Le frangin arnaqueur a coupé son téléphone (mais il ne perd rien pour attendre) et le chauffeur du taxi est injoignable. Après avoir fulminé durant 2 heures, Ali règle l'affaire: il va attendre le taxi au terminus et rembourser les clients floués.
Après le repas, on voit surgir une quinzaine de guides venant taper la discute dans la cour. Ambiance folklo. Il y a Mamadou, Dogon de 1m50 , que tout le monde chambre en le nommant le Dernier des Tellems; il lui est dit également que lorsqu'il accompagne des touristes, vue sa taille, on le prend pour un sac à dos; et aussi qu'avec le boubou d'Ali on pourrait lui en tailler 2 plus un chèche, le tout juste à sa taille. Il y a un grand de quasi 2 m qui a 3 objectifs: aller en Harley Davidson sur la tombe de Michael Jackson, manger au restau de la Tour Eiffel, et faire du ski. Les autres se moquent de lui, lui disant qu'il n'a même pas de quoi mettre un demi litre d'essence dans son scooter, alors, aller a Paris.... Et tous de lui dire, que c'est un Dogon clandestin, son grand père ayant jadis fuit le Sénégal pour échapper à la guerre de 40. Le grand brame que c'est un complot contre son envie de bonheur. On est tous morts de rire, et les quolibets fusent encore et encore. C'est la "taquinerie" de rigueur entre guides Dogons. Il faut voir et entendre ça au moins une fois, c'est assez folklo.
Gabriel est rentré, heureux de nous revoir avant le départ, et très ému du cadeau qu'on lui laisse.
Le lendemain matin, il règle magistralement le petit dej et le transport jusqu'au port. On est encore une fois chouchoutés comme des rois.
Les guides Dogons sont particulièrement soigneux de leurs clients.
En avançant sur la quai, parmi l'enchevêtrement de sacs et étals, les dockers s'affairent. Sylvie marche sur le talon de la tong d'un déchargeur tandis qu'il pousse un chariot chargé de 1,5 T de riz à l'aide d'un compère (habituellement ils sont 6 pour ça). Stoppé dans son élan, il regarde sa tong à la lanière arrachée et désormais inutilisable. Vue la coupe du pantalon, il n'a pas de quoi s'en racheter. On se confond en excuses, et lui tendons 1000 CFA en dédommagement. Avisant la somme, là il nous bénit: il peut acheter un sac de tongs ! Nous sommes donc dans un drôle de ballet, nous deux confondus en excuses, et lui en remerciements. Nous repartons en faisant attention où on pose les pieds.... et nous arrivons à la pinasse.
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