Description: 30m de long, un étage. En cale, le fret est à ras bord, les passagers de 3e classe s'assoient dessus serrés comme des sardines. A l'étage, 3 parties: une pour le fret, une pour les passagers de 2e classe assis sur des bancs, et une pour ceux de 1ere classe. C'est cette dernière que nous occupons. Sur environ 24m2, sont disposés des matelas pour s'allonger. Au moment du départ, nous sommes en tout 28 adultes et 5 enfants entassés plus ou moins pêle-mêle sur les nattes. Sauf que tous les passagers ne sont pas à la même enseigne: une natte fait 1m50 par 2m; sur certaines ils sont 6, la majorité 3, et nous nous défendons du mieux que l'on peut la notre contre les envahissements des voisins. Si l'on excepte un trio de touristes constitué d'une Indienne, d'un Hollandais et d'une Helvético-Vietnamienne, tout le monde prend ça avec bonne humeur et s'organise comme il peut pour s'installer.
Le trio, lui, a embarqué à 11h30, soit 30 mn avant le départ prévu (nous étions là à 9h30): résultat: plus de places. Ils ont gueulé, certes sur le fond ils avaient raison; mais gueuler ici ferme immédiatement le dialogue. La pagaille créée par leurs récriminations a bien duré 2h, puis, comme toujours ici, tout s'est calmé.Prévu à 12h , le départ à lieu à 16. Pendant tout ce temps, le patron a continué a entasser de nouveaux passagers. En first, on est limite boite à sardine, je n'ose imaginer ce qu'il en est des 2e et 3e classes. On navigue depuis 20 mn, et le bateau accoste. Contrôle de douanes. Ils ne feraient pas ca au port après le départ! non, on attend ici 3/4 d'heure que les gabelous aient notifiés les bordereaux adéquats. Après quoi, on file sur l'eau, le pont à 20cm à peine au dessus des flots. Le navire longe les rives couvertes de joncs, et parsemées de loin en loin de villages Bozos. On croise des myriades de barques de pêcheurs et quelques pinasses individuelles. Celles-ci s'accrochent à notre puissant navire, et font un bout de chemin a moindre frais. Le soleil se couche, l'air est plus frais, notre première nuit sur le fleuve s'annonce.
D'abord manger. Le cantinier du bord sert une écuelle de riz, avec, en guise d'accompagnement, des arrêtes de poisson. On fait pas les difficiles, on engloutis la pitance.
Maintenant, dormir. Trente personnes allongées sur 25m2, c'est quelque chose; mais pour les coucher, c'est une autre affaire. Imaginez l'entrelac de jambes, de culs par dessus tête, et de dos cassés. Avant de nous installer pour la nuit, pipi-room.
Les toilettes sont à l'arrière, il faut longer le navire par l'extérieur, accrochés à la rambarde, les pieds nus sur un rebord en tôle de 25cm, glissant de fuel et d'eau mélangés, dans le noir le plus total. Les "toilettes" sont elles mêmes cachées derrière un bout de tissus à fond de cale. Le trou d'évacuation donne directement sur le fleuve. Avec la vitesse, l'eau est aspirée par le trou et déborde très largement (mi mollet dans la cale). Tenir en équilibre pour faire ce qu'il est approprié de faire en cet endroit, relève du prodige. La chose faite, il faut s'extraire de ce trou à rat, et ce n'est pas une mince affaire. Retour par la rambarde, on y croise d'autres passagers allant là d'où on vient. Il faut méticuleusement contourner la personne en ayant toujours une main agrippée au navire, les deux pieds bien assurés et d'un déhanchement vif se propulser de l'autre coté. Si un CHSCT met son nez su le navire, c'est droit de retrait maximal!
On s'incruste dans le tapis d'humains enroulés dans les couvertures, et on s'endort. Sommeil de courte durée: si une personne gigote ou se lève, toute la chambrée se trouve chamboulée. Par moment, un insomniaque met radio Mali à fond, les enfants réclament la tétée, des ombres enjambent et tâtonnent du pied où se poser. Nuit de rêve !Réveil définitif à l'aurore: un thé ou un café et un quignon de pain à prendre dans des conditions sommaires sur les 2m2 de pont restés libres. On se rassoit ensuite à nos places respectives. Normalement, tous les repas étaient compris. Y'a un problème: le petit dej est payant....
Vers 14h, escale de 20 mn à Tonka: 1/3 des passagers descend, nous allons être plus à l'aise pour le reste du voyage.
Tout semblait aller pour le mieux, lorsqu'on entend un bruit de chute suivi d'un plouf. Immédiatement, cris et lamentations d'un quintet de femmes. Le bateau stoppe au plus vite, fait demi tour et rebrousse chemin à petite vitesse. En fait c'est une fillette qui a failli basculer par dessus bord et, en la retenant, sa mère a laissé choir son sac à la flotte. Repêchage du sac, ouf de soulagement, on repart à fond les manettes.
Vers 19h, autre escale à Niafouke, ou un deuxième tiers quitte le navire. Là nous pouvons dire que nous voyageons dans des conditions normales.
Mais une bonne affaire ne va jamais sans contre partie. En l'occurence, elle est double. La voisine a un enfant qui hurle. Chaque cri amène une taloche, chaque taloche amène un cri plus strident. Education à la malienne. L'autre déconvenue arrive pour le repas: une tasse de café ou de thé et un quignon de pain....
Enfoiré de Sadou Tikambo qui nous avait vanté la manière dont les touristes sont traités à son bord. Quand on repassera à Mopti, il aura de mes nouvelles, et je vais l'assaisonner dans tous les guides et bibles de voyageurs.
Je ne sais pas si les autres pinassiers sont de pareils menteurs, mais lui, il m'a arnaqué, c'est sûr. Il va avoir le coup de pied de l'âne en retour.
Le paysage a changé: les dunes bordent le fleuve, on file toujours droit devant, dans le noir le plus total, la pinasse n'ayant aucun éclairage. Elle n'a de surcroit aucun gilet de sauvetage. Il arrive, nous dit un voisin, qu'un bateau en éperonne un autre, ou qu'il chavire lorsqu'il y a trop de vent et une grosse houle. Rassurant ! En même temps, il y d'autres moyens de navigation plus sécures, plus confortables, mais bien entendu beaucoup plus chers. Nous avons fait le choix de voyager à la malienne, avec tout ce qui va avec.
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